Durant ce webinaire interactif, nous avons présenté aux participants :

  • Les principales caractéristiques et fonctions des cadres d’éthique en santé publique;
  • Deux résumés de cadres d’éthique de santé publique;
  • Des cas (provenant de la pratique de la santé publique et des politiques publiques favorables à la santé) sur lesquels des cadres ont été appliqués pour guider la délibération.

Une portion importante du webinaire servait à traiter de manière plus approfondie d’un cadre et d’un cas. Les participants ont  ainsi eu la chance d’assister et de contribuer à l’application d’un cadre à un cas pour identifier des enjeux éthiques et délibérer en vue de prendre une décision.

Présentateurs

Olivier Bellefleur et Michael Keeling
Agents de recherche, CCNPPS

Post-scriptum 

Tout au long du webinaire, les participants ont posé d’excellentes questions et nous avons parfois manqué de temps pour y répondre. Comme nous pensons que certaines d’entre elles peuvent être d’intérêt général, nous en avons sélectionné cinq auxquelles nous avons brièvement répondu ci-dessous. Trois d’entre elles proviennent de la version anglaise du webinaire ; elles ont donc été traduites de l’anglais. Toutes les questions et les commentaires formulés durant le webinaire sont accessibles dans la boîte de dialogue de l’enregistrement dont le lien apparaît ci-dessus. Merci à tous les participants d’avoir été aussi actifs.

Question 1
« Nous avons quelquefois des situations qui surviennent et qui exigent une décision passablement rapide. Le développement d’un modèle logique prend souvent trop de temps et nous visons alors l’utilisation rapide de notre outil de décision éthique. Est-ce approprié? »

Le contexte de la prise de décision et le temps que celui-ci permet pour la réflexion et la délibération éthique sont évidemment des éléments qui influenceront le type d’outil qu’il sera approprié d’utiliser. Lors de notre présentation, nous avons utilisé un modèle logique très simple pour tenter de rendre explicite notre compréhension du fonctionnement d’une intervention et faciliter ensuite l’évaluation de son efficacité et la détermination des enjeux éthiques que chacune des étapes de l’intervention pouvait soulever. Il s’agit d’un outil complémentaire que nous trouvons utile, même lorsque le modèle logique en question est esquissé très rapidement et seulement dans ses grandes lignes. Cela dit, à notre connaissance, aucun cadre de référence en éthique de la santé publique ne demande d’en faire un, et nous ne voulions surtout pas donner l’impression qu’il est nécessaire de construire un modèle logique pour bien analyser les enjeux éthiques d’un cas. Donc, pour répondre plus directement à votre question, si votre outil vous aide à prendre la décision la plus éclairée possible dans un contexte où le temps est fortement limité, nous pensons qu’il est approprié de l’utiliser et de ne pas limiter le temps de réflexion et de délibération en ajoutant un autre outil à la procédure de prise de décision.

Question 2
« En analysant le cadre, ceci a l’aspect d’un ordinogramme donc fort rapproché à l’idée d’un algorithme. Pouvez-vous vraiment argumenter en quoi un cadre n’est pas un algorithme. »
Durant le webinaire, nous avons mentionné à quelques reprises que les cadres de référence ne sont pas des algorithmes et qu’ils ne devraient pas être traités comme tels. C’est vrai, cependant, qu’ils peuvent en donner l’impression en proposant une série de questions ou de principes à considérer, parfois selon un ordre ou des étapes précis. Certains sont également plus directifs quant à ce qu’il faut faire lorsque des tensions entre des principes ou des valeurs spécifiques sont révélées. Mais, contrairement à un algorithme, un cadre n’indiquera pas, par lui-même, la « bonne » décision à prendre. Les cadres sont plutôt des outils qui fournissent des points de repère éthique pour soulever des enjeux, y réfléchir et en débattre. À notre avis, l’essentiel est, d’une part, d’adopter une perspective critique qui peut servir de lentille pour penser et délibérer, et, d’autre part, d’avoir une compréhension générale des raisons pour lesquelles on mène une analyse éthique, ce qui donne une direction au processus. Un cadre peut aider avec ces éléments essentiels, mais il ne peut les remplacer.

Question 3
« J’ai trouvé la 6e question du cadre de référence [proposé par Kass] très intéressante. Diriez-vous que la participation de la communauté est essentielle à la détermination des bénéfices et des fardeaux du programme? Si oui, comment utiliseriez-vous ce cadre pour arbitrer les perspectives divergentes de la communauté? [traduction] »

La 6e question du cadre éthique de Kass (2001) est : « Comment les bénéfices et les fardeaux peuvent-ils être équilibrés équitablement? [traduction libre] » Dans ce cadre, on fait appel explicitement à la participation communautaire pour déterminer si le programme présente un équilibre entre les bénéfices générés et les fardeaux imposés qui est « bon » ou « juste » pour, et selon, la communauté affectée par le programme. Comme le « bon » équilibre entre les bénéfices et les fardeaux peut varier selon les valeurs de la communauté, le cadre propose de faire appel à des processus équitables et démocratiques pour répondre à cette question. Mais, curieusement, le cadre ne fait pas (du moins pas explicitement) appel à la participation de la communauté pour déterminer quels sont les bénéfices et les fardeaux en question. Les bénéfices sont décrits comme des « objectifs de santé publique » et sont évalués principalement sur le plan de l’efficacité (questions 1 et 2). Les fardeaux sont principalement répartis en quatre types de risques (vie privée/confidentialité, liberté/autodétermination, justice et santé des individus) qui devraient être réduits au minimum (questions 3 et 4). Les bénéfices et les fardeaux devraient également être distribués équitablement (question 5). Si le temps et les ressources le permettent, le cadre pourrait être utilisé pour demander aux membres de la communauté de répondre à toutes ces questions. Il ne semble pas y avoir de raisons théoriques s’y opposant. Un tel processus faciliterait probablement la prise en compte de bénéfices et de fardeaux imprévus, ainsi que des perspectives différentes ou contradictoires au sein de la communauté. Ces éléments, à leur tour, pourraient aider à trouver des façons de maximiser les bénéfices et minimiser les fardeaux, ainsi qu’à évaluer et à améliorer l’équité du programme.

Question 4
« Si nous évaluons un programme en fonction de sa capacité à améliorer le bien-être d’une communauté, en se basant sur la conception du bien-être de la communauté, alors la santé publique a-t-elle un rôle à jouer dans le changement de cette conception (rôle de chef de file de la santé publique)? [traduction] »
Cette question a été soulevée pendant que nous présentions le cadre éthique proposé Baum et ses collègues (2007). Ce cadre utilise la conception que se fait une communauté du bien-être comme critère pour évaluer le principal résultat d’un programme à la place d’un critère plus objectif, comme la santé. La question nous demande de considérer, par exemple, le rôle que pourraient jouer les praticiens de la santé publique pour valoriser la santé dans une communauté qui ne lui accorde pas une place particulièrement importante. Comment devrions-nous évaluer un tel plaidoyer? Il n’y a pas de doute que le plaidoyer pour des normes sociales et des changements de valeur peut être un rôle très important, mais il peut aussi soulever des enjeux éthiques spécifiques. Ceux-ci seraient abordés dans ce que Gostin (2001)* a appelé l’éthique pour la santé publique. Dans cet article, Gostin distingue l’éthique en, de, et pour la santé publique. Le genre d’éthique pratique que nous avons abordé dans le webinaire correspond à l’éthique en santé publique, c’est-à-dire à l’éthique appliquée aux enjeux qui surviennent dans la pratique. L’éthique de la santé publique est liée au professionnalisme et à la déontologie. Elle comprend les codes de déontologie spécifiques aux professions de la santé publique. L’éthique pour la santé publique regroupe quant à elle les questions éthiques soulevées lors du plaidoyer pour les valeurs ou les objectifs moraux de la santé publique, comme des collectivités saines et la justice sociale. À notre connaissance, aucun cadre n’a été développé spécifiquement pour le plaidoyer en éthique de la santé publique ou pour guider la réflexion dans l’éthique pour la santé publique.

*Gostin, L. O. (2001). Public health, ethics and human rights: A tribute to the late Jonathan Mann. Journal of Law, Medicine & Ethics, 29, 121- 130.

Question 5
« Connaissez-vous des exemples d’endroits où il est obligatoire d’appliquer un cadre d’éthique de santé publique à la prise de décision? [traduction] »

Non. Nous ne sommes pas au courant d’endroits où des évaluations éthiques sont obligatoires en santé publique à l’extérieur des comités d’éthique de la recherche et nous ne connaissons aucun cas où l’utilisation d’un cadre éthique lors de la prise de décision en santé publique est exigée. Si quelqu’un a un tel exemple à partager, nous aimerions bien l’entendre à ce sujet. Il serait intéressant de savoir s’il y a des contextes similaires à ceux où des évaluations environnementales ou des évaluations d’impact sur la santé sont exigées, mais où un examen portant spécifiquement sur les enjeux éthiques d’un programme, d’une politique ou d’une loi de santé publique serait obligatoire.

Enregistrement du webinaire

Présentation ppt
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